23 janvier 1989 — Naissance d'Isleen à Dublin, dans la plus grande maternité de la ville. 18 décembre 1995 — Premières leçons de chant improvisées avec sa nourrice. 2 septembre 2007 — Entrée au Trinity College de Dublin, en tant qu'étudiante en droit. Un seul but à cette époque : trouver enfin dans le regard de ses parents, l'amour et la fierté de leur fille. 5 juin 2014 — Diplômée d'un master en droit, spécialité droit pénal. 20 octobre 2014 — Départ à Las Vegas, après avoir trimé tout l'été pour pouvoir se payer le billet d'avion ainsi que son studio. 21 octobre 2014 — Arrivée à Las Vegas. Enfin. Les yeux qui pétillent, le cœur qui s'emballe : c'est ici que son rêve va se concrétiser. 2 novembre 2015 — Aller sans retour direction Detroit dans le Michigan. Puisque Las Vegas ne veut pas d'elle, alors elle offrira ses talents à cette ville dont elle ne connait que le nom. 28 décembre 2015 — Ce jour désormais teinté d'horreur restera dans sa mémoire celui d'une épreuve effrayante et impossible à oublier : le viol. Un jour qui a bouleversé à jamais sa personnalité et sa vie quotidienne.
| 1°) Isleen, c’est cette femme enfant, dont les rêves ne trouvent pas de limites. La proie idéale pour des êtres cherchant à assouvir leurs pulsions, en somme. Romantique, rêveuse à souhait, tels sont les traits de caractère contre lesquels elle sait qu’elle doit à présent lutter pour s’en sortir. Elle est de ces filles qui s’attachent bien trop vite et qui finalement, se retrouvent à pleurer toutes les larmes de leurs corps après que leur cœur se soit une énième fois fracassé en mille morceaux. Oui, elle est de ces filles qui croient en l’amour, le pur, le vrai. Quelle faute commet-elle en ayant une telle manière de penser ? Quelle honte peut-il y avoir à espérer vivre cela ? A vrai dire, Isleen n’a jamais vraiment voulu comprendre et reconnaitre ce qui n’allait pas chez elle. Jusqu’à ce que ses pas la mènent ici, à Detroit. Cette nature sensible, influençable et fleur bleue s’est efforcée de s’endurcir, face aux cruautés de l’existence. Pourtant, elle est bien toujours là, au fin fond de son cœur, la femme enfant. Arrivée à Detroit et confrontée à ses nombreuses vérités épouvantables, la naïveté de la jolie rouquine s’est estompée, sans pour autant disparaitre totalement. Oui, car secrètement et de temps à autres, elle autorise son esprit à s’évader au travers de romans. Elle s’imagine vivre une vie délicieuse, au bras d’un homme qui ferait battre son cœur à tout rompre. Une vie remplie de paillettes et de succès, sous des applaudissements nourris. Une vie loin d’ici, de cette ville terrorisante qui érige progressivement le crime en règle de droit. 2°) Ici, elle n’est rien, ou pas grand-chose. Son ambition, son rêve ? être chanteuse à Las Vegas, avoir son propre spectacle de comédie musicale. Malheureusement, le destin en a voulu autrement. Tout autrement même. Faisant la joie de ceux qui pariaient qu’elle ne réussirait jamais à percer dans ce domaine ultra fermé. La voilà à se pavaner sur les scènes ridicules des bars louches de Detroit, sous les yeux hagards et ignorants des gens du coin. Car, évidemment, la plupart du temps, son public passe son temps à boire, à parler fort en faisant de grands gestes… sans lui prêter la moindre véritable attention. Parfois même, elle est forcée de s’interrompre pour que les pompiers viennent en aide à un lourdaud qui a trop abusé de la bouteille. Les strass et les énormes projecteurs de Vegas sont désormais bien loin, quand elle y pense. Seules les tenues de scène un brin festives qu’elle arbore lors de ses représentations lui rappellent qu’elle est malgré tout et à son niveau, une artiste. Dans les ruelles, on lui donne le surnom de « petite rouquine qui chante », mais rien de bien convainquant pour espérer pouvoir un jour faire carrière ailleurs. 3°) Les hommes l’effraient d’une certaine manière. Autant qu’ils l’attirent. C’est justement parce qu’elle sait qu’elle ne peut leur résister et qu’elle risque gros en tombant dans leurs bras qu’elle se refuse à eux. L’idée que l’un d’eux puisse lui faire des avances l’angoisserait presque, et le viol qu’elle a enduré n’a évidemment rien arrangé à cela. Cette peur de la gente masculine avérée, associée à cruel manque d’affection de la part de ses parents, a fait d’elle une femme immature sentimentalement. Isleen évite les regards des hommes, se surprend même souvent à dévier de chemin lorsqu’elle sent qu’un homme déambule trop près d’elle. Parfois, elle est consciente qu’elle frôle la paranoïa (et son psychiatre le confirme) mais c’est plus fort qu’elle. Consultant régulièrement, Isleen a besoin de ces séances pour apprendre à devenir la femme confiante et apaisée qu’elle a été un jour… un jour dont elle ne se souvient même plus, à tel point le trouble dont elle souffre est profond. 4°) Elle reste profondément marquée, pour ne pas dire traumatisée, par le viol qu’elle a subi il y a de cela deux ans par son ex petit-ami, alors qu’elle était tout juste installée à Detroit. Une ordure, Rufus, qui a su à merveille la manipuler, l’attirer dans ses dangereux filets. L’idiote n’a rien vu venir, trop occupée à se faire des illusions sur un avenir sentimental parallèle, pourtant lui aussi bel et bien voué à l’échec. Elle n’était pas amoureuse de cet homme, mais il était gentil et attentionné en apparence, alors elle n’avait pas voulu lui faire de mal en cassant ses espoirs. Isleen ne pouvait en revanche admettre qu’après six mois, son cœur avait jeté son dévolu sur un autre : Esteban, rencontré à la cafétéria de sa tante. Elle qui avait eu si souvent le cœur brisé ne pouvait supporter l’idée de faire subir cette souffrance atroce à Rufus pour qui elle avait une profonde affection. Quand le débat a éclaté à l’appartement, il a commencé à donner des coups de poing dans les murs, à se mettre hors de lui. Terrorisée, la rouquine a rapidement pris la fuite, mais quelques jours plus tard, Rufus la suppliait de ne pas la quitter, lui permettant monts et merveilles auxquels pour une fois, elle ne voulait pas croire. Ce qu’elle ignorait totalement et ignore toujours aujourd’hui, en dehors du fait que c’était une pourriture totale, c’était bien évidemment le fait qu’il était partisan du Pacte. Après quelques jours et des appels incessants, Isleen lui annonça la fin définitive de leur histoire, car dans son cœur, Esteban avait pris sa place depuis longtemps. Rufus accepta facilement. Trop facilement. Elle croyait alors s’être enfin débarrassée d’un fardeau. Illusion. Pire l’attendait. Piégée, la belle s’est retrouvée prise en otage non plus moralement mais également physiquement. Une soirée d’hiver. Un rendez-vous donné entre les deux protagonistes au coin d’une rue. La proie ne s’est jamais méfiée. Une fourgonnette qui s’arrête brutalement. Les pneus qui crissent sur la route enneigée, les portes qui s’ouvrent dans un claquement. Un son qui restera à jamais gravé dans la mémoire d’Isleen. La voilà violemment poussée à l’intérieur par plusieurs hommes, dans cette haute cage noire et froide. A peine le temps de lancer un dernier regard à Refus, que ses yeux et sa bouche furent aussitôt bandés. Plus tard, ses mains furent attachées. Elle avait sur le moment refusé de penser que Rufus était responsable de tout ça. Qu’il fit tout au contraire pour ne pas la laisser se faire kidnapper sous ses yeux. C’était impensable, et impossible pour la rouquine qu’il puisse la trahir de cette façon. Sottise. Si dangereuse naïveté. Le fait est qu’il en était parfaitement capable, et que le Pacte lui donna d’ailleurs l’occasion de se venger en profitant d’elle. Après un regard furtif lancé autour de lui, il s’est jeté à son tour dans la cage de la fourgonnette. Passant ses mains glacées sur sa peau. La caressant comme si elle était son bien le plus précieux, mais se préparant à la violer comme une brute, dans le noir. Malgré ses gémissements continus de peur, elle entendait la voix d’un autre homme qui la menaçait de la flinguer si elle ne se tenait pas bien. Rufus, lui, gardait un couteau fermement dans sa main, dont il faisait de temps à autre glisser la lame fraîche sur la peau d’Isleen. Comme pour lui rappeler qu’elle n’avait pas le choix. Comme pour lui rappeler qu’elle flirterait avec la mort si elle s’aventurait à dire ou à faire quoi que ce soit désormais. Jamais sa douleur n’avait été aussi vive. Ses yeux étaient emplis de larmes, alors qu’un sentiment de honte la percutait, aussi violemment que les coups de reins de Rufus. L’horreur accomplie, Isleen fut ensuite jetée comme une malpropre dans la ruelle, pieds nus, les yeux cernés de noir, et les bretelles de sa robe tombant minablement sur ses épaules. La camionnette redémarra dans un fracas épouvantable. 5°) C’est un papillon de nuit, passant son temps libre à écrire des romans. Des histoires à l’eau de rose qu’elle garde pour elle, très secrètes, sous son lit. Sa tante tient une petite cafétéria du coin, alors, c’est avec plaisir qu’elle lui apporte son aide quand son emploi du temps le lui permet. S’improvisant employée de restauration, elle sert les cafés, nettoie la salle, encaisse les repas… c’est un petit boulot qui lui plait mine de rien. Elle a le sentiment de se sentir utile et surtout, ce travail lui permet de mettre du beurre dans les épinards financièrement. Une fois l’après-midi écoulée, la petite rouquine se pare de sa plus belle robe et de ses plus beaux bijoux pour aller jouer la starlette dans les bars. Son quotidien est loin de ressembler à celui dont elle rêvait étant enfant, mais au moins, il lui permet de se déconnecter un peu des horreurs qui se déroulent dans la ville. Pour la femme influençable et fragile qu’elle est, c’est sûrement bien mieux ainsi. 6°) Derrière ce manque de confiance en elle et cette envie disproportionnée d’être aimée, se cache un manque de preuves d’amour de la part de ses parents. Lui, diplomate, elle, avocate. Quasi-absents dans l’existence de leur petite Isleen. Les rares fois où ils étaient présents pour elle, on ne peut pas dire qu’ils aient été les parents les plus tendres du monde. La froideur et la rigidité régnaient dans la demeure de Dublin. Malgré ses absences régulières, madame tenait la villa d’une main de fer. Elle savait réprimander son enfant lorsque la nourrice lui confessait l’avoir surpris en train de faire une bêtise. La petite rouquine a donc passé son enfance dans les jupons de sa nourrice, attendant bien souvent impatiemment un retour de ses parents. Une attente interminable et pénible pour l’enfant. La belle ne se souvient pas d’un jour où sa mère l’a prise dans ses bras et câlinée, pas même de celui où elle l’a consolée après un chagrin d’amour. Elle ne pouvait compter que sur ses amis. En revanche, sa nourrice a su lui prodiguer une éducation exceptionnelle. L’amour, au fond, la jeune chanteuse ne sait pas trop ce que c’est, puisqu’elle n’en a pour ainsi dire jamais reçu. 7°) Isleen est arrivée à Detroit à la base en vue de réaliser un rêve : celui d’être chanteuse, et de donner naissance à une toute nouvelle comédie musicale qu’elle avait créé de toutes pièces, à Dublin. Sa nourrice, chanteuse inavouée, l’avait énormément aidée dans la concrétisation de cette idée qu’elle jugeait fabuleuse. La rouquine avait beau vouloir plaire à ses parents, chercher dans leurs yeux l’admiration et la fierté, la puissance de cette chimère était trop forte pour qu’elle ne la laisse filer. Alors, elle est partie, sous l’impulsion de sa chère nourrice. Quittant le doux cocon familial pour se heurter à la vie, la vraie, et ce malgré les réticences de ses parents et leur volonté de faire d’elle une brillante étudiante en droit. Isleen avait surpris l’une de leurs conversations un soir, et les paroles blessantes de sa mère à son sujet : « Elle n’y arrivera jamais, elle n’a pas les épaules pour ça ! Cette idée est tellement stupide, elle est bien trop naïve. » Arrivée à Las Vegas et après un an à enchainer les petits jobs, la chanteuse en herbe a été forcée de constater qu’elle était bel et bien seule dans son projet, et que la gloire ne voulait effectivement pas lui sourire. Le bouche à oreille lui a permis de postuler pour un emploi de chanteuse dans un petit bar de Detroit, et c’est donc le cœur lourd de désespoir qu’elle a quitté Las Vegas pour s’installer dans cette ville du Michigan. 8°) Très féminine et coquette, Isleen aime prendre soin d’elle. S’accorder du temps pour se pomponner, se faire belle. Certes, elle n’est qu’une chanteuse de bars qu’on écoute vaguement entre deux verres, mais elle apprécie cette forme de popularité qui lui est offerte. Elle en profite, en s’amusant à accentuer le noir sur ses yeux, et à se vêtir de robes somptueuses achetées d’occasion. Son rêve de gloire, elle ne l’oublie pas. Un jour, sa comédie musicale sera en tête d’affiche, et elle en sera le personnage principal. 9°) Ses amis à Detroit se comptent à peine sur les doigts d’une main. Elle ignore pourquoi, mais Isleen peine à entretenir des relations durables, ne serait-ce que d’amitié. Pourtant, c’est une fille douce, sociable et souriante, qui parait être encline au dialogue et au partage. Il faut dire qu’au fond, elle se sent doublement déracinée, et décidément abonnée à l’échec. Une situation qui ne participe pas vraiment à son épanouissement personnel, et qui doit à la longue se ressentir dans son rapport aux autres. 10°) Déjà dotée d’une personnalité fragile, le viol dont elle a été victime l’a rendue extrêmement vulnérable. Pas une nuit ne passe sans qu’elle ne se réveille en sursaut, le front perlant de sueur à la suite d’un cauchemar. Il prend toujours la même forme, adopte toujours le même contexte : ses membres sont attachés et elle se fait violer tout en recevant de grands coups de couteau dans la poitrine. Une image terrible qui la hante, et que même les hypnotiques ont bien du mal à atténuer au quotidien. |