La silhouette nippée d'un veston cossu déambule dans l'étroit couloir, juchée solidement sur six centimètres de talons aiguilles. Fusionnée à sa pogne, comme une excroissance de cuir qu’il serait impossible de lui amputer, la mallette, celle dont on dit receler tous les remèdes. Chaque pas claque contre le carrelage, et le bruit, devenu écho, clame la venue de la providence à tous ces damnés. On la reconnait et on la respecte ici, à la fourrière. Et seuls les geôliers, vraiment, l'exècrent et l'honnissent.
Arrivée à destination, on lui ouvre une porte et elle y pénètre, puis ladite porte se referme en grinçant, et le verrou lui répond discrètement. Ce n'est pas la première fois que l'avocate atterrit dans la salle exiguë, mais elle ne peut s'empêcher de balayer du regard l'endroit, comme si on y avait changé le décor. Puis, enfin, les lazurites s'échouent sur la gueule du taulard et la menotte se tend, et les mains se rencontrent, après quoi elle s'installe et extirpe de sa boite à surprises un épais dossier. Silence. Le froissement des feuilles que l'on trouble s'en vient amplifier l'atmosphère d'ores et déjà pesante de l'endroit. Elle révise son dossier et l'ignoble prend tout son temps, alors qu'il y a de quoi s'impatienter, car l'avenir d'un homme est en jeu. Finalement, le museau se redresse, les doigts se croisent et, de tout son sérieux, la voix vibre : « Monsieur Blackwood. J'ai pris conscience du dossier à la demande de vos employeurs. Je suis maître Ellayna Hart et considérez-vous chanceux de pouvoir jouir de mes services. Généralement, je ne m'occupe pas de cas comme le vôtre... » On l'a payée. Grassement. Chèque signé par l'organisation à laquelle elle voue principalement sa pratique. « Je ne suis pas ici pour vous juger. Je fais mon job, et il se résume à sortir des gens comme vous du pétrin. Et l'on dit que j'y excelle, à ce job. Alors offrez-moi toute votre confiance et votre collaboration et je vous garantie que vous pourrez continuer à vous prélasser au soleil, sans affreux uniforme et sans chiens pour vous surveiller. » Renifle, et l'index passe sous le museau, gratte la truffe, retourne sur les lignes de la feuille. « Donc, voyons voir. Vous avez déjà été condamné pour voie de faits armée ayant entrainé des blessures graves, ce qui vous a valu... Beaucoup d'années de prison. Vous êtes accusé maintenant de possession de drogue en vue de la revendre. Hmm. Ce ne sera pas facile. Il va falloir faire tomber cette accusation. Jouer sur le fait que vous n'en possédiez pas en grande quantité, et que ce n'était que dans l'intention d'en faire usage personnellement. Qu'en pensez-vous, monsieur Blackwood ? » Sûrement rien. Ils ne pensent pas à grand chose, ces malfrats de bas étage. Un instant, elle s'arrête sur le faciès de son vis-à-vis et ose une seconde question qui la taraude depuis les prémices de l'entrevue : « Se serait-on déjà vu quelque part ? » Et renifle derechef. La bulle passe, elle secoue la tête. Ce n'est pas le moment, elle doit travailler, et performer, et briller. « Et si vous me racontiez votre version des faits ? »
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